11 Mar 2022

Le Figaro

On pourrait taxer Joyce DiDonato d’opportunisme ou lui reprocher devouloir à tout prix être dans l’air du temps. Ce serait mal la connaître. Pour chacun de ses disques, la mezzo-soprano américaine a toujours mis un point d’honneur à dépasser le strict cadre lyrique et à leur donner une dimension politique ou sociétale. Son dernier-né, Eden, enregistré au Teatro Comunale de Lonigo en Italie est « une invitation à renouer avec nos racines, à contempler l’absolue perfection de l’univers ».

Comment la musique pourrait-elle nous amener à redécouvrir l’essentiel au plus profond de nous-mêmes ? Par le mystère qu’elle nous laisse percevoir, avec, par exemple, l’équilibre parfait de la mélodie Ombra mai fu de Haendel, que Joyce DiDonato chante divinement. Pour ce CD, elle a soigneusement choisi 16 œuvres pour leurs correspondances avec les thèmes de la Nature, de la Terre et de la place de l’homme dans le cosmos. Elle a aussi déniché quelques perles rares, comme ce Con le stelle in ciel che mai de Biago Marini oule plus récent Nature, The Gentlest Mother d’Aaron Copland. La cantatrice livre également le premier enregistrement de The First Morning of the World (le premier matin du monde), composé par Rachel Portman sur un poème de Gene Scheer. On voyage donc à travers les siècles, avec cette impression que la grande musique donne du temps au temps. Il faudrait, dit-elle, écouter ce disque « à l’ombre apaisante d’un vieil arbre». Dans une école anglaise où nous l’avons suivie, elle lançait aux bambins: «En ces temps tourmentés, quelle graine planterez-vous aujourd’hui ?»